Avion allié abattu à Nerville-la-Forêt le 3 août 1944
Le bombardier Lancaster LL716 avait décollé le 3 août 1944, à 11 h 58, de Waterbeach (au nord de Cambridge) en Angleterre. Il participait au raid sur le dépôt de bombes volantes (V1) du Bois de Cassan. A 14 h 10, alors qu’il est sur l’objectif, ses ailes sont endommagées par les bombes tombant d’un avion de la formation, volant au dessus de lui. Devenu incontrôlable, le LL716 s’écrase à 10 km au sud de Beaumont, à la sortie du village de Nerville-la-Forêt, en bordure la route conduisant à Maffliers. Sur les 8 membres de l’équipage, 6 se feront prendre par les Allemands. Seuls Topham et Dennehy réussiront à s’échapper.
Crash de Nerville, le 3 août 1944, raconté par Pierre Meyer, résistant à Labbeville
Il s’agit d’un Lancaster, venu de jour bombarder un dépôt d’explosifs à L’Isle-Adam. Ce jour-là, un raid massif de 600 bombardiers lourds, emportant chacun 6 tonnes de bombes, eut lieu. On voyait les bombes se détacher des avions, ceux-ci entourés des explosions d’obus antiaériens. Plusieurs appareils explosèrent, avant de s’abattre dans la forêt. Mon frère ayant été appelé pour récupérer deux membres d’un équipage tombé à Nerville, les ramena en voiture : il s’agissait du navigateur Stuart Baxter et du mécanicien Jack Reid. Baxter, qui parlait très bien le français, nous expliqua leur odyssée. Arrivant en formation serrée au dessus de l’objectif (le Bois de Cassan), les bombes larguées par un autre avion au dessus d’eux traversèrent leurs ailes, rendant l’avion peu manœuvrable. Le pilote, Topham, après avoir fait largué ses bombes en catastrophe, décida de tenter un atterrissage sur le ventre, dans un champ bordé par la forêt, près de Nerville. Lors du contact avec le sol l’avion se brisa en deux tronçons, l’avant dans le bois, la partie arrière dans le champ, séparés par la route qui conduit à Maffliers. Les deux rescapés qui se trouvaient dans la partie avant de l’avion avaient pu s’enfuir dans le bois. Ils furent pris en charge par des résistants, qui nous les remirent. Le reste de l’équipage de la partie arrière fut fait prisonnier par les Allemands.
Photos des restes de l’avion par Claude DANIS
et Pierre MEYER.
On nous avait signalé qu’un parachutiste, Ralph Mac Clenaghan (bombardier), un des membres de l’équipage de cet avion, avait été récupéré près d’Hédouville par Dallongeville, un résistant qui habitait à Hédouville. Nous en parlâmes à nos deux rescapés, et quelle ne fut pas notre surprise de nous entendre dire par Baxter : « Mais c’est notre bombardier ! C’est moi qui l’ai poussé dehors ! » En effet tout l’équipage n’avait pas eu le temps de sauter. Dallongeville nous l’a ramené. On les a gardé 3 à 4 jours chez nous. Mais on avait des Allemands qui venaient réparer leurs véhicules à notre atelier. On a donc cherché un moyen de les faire rapatrier chez eux. Le réseau qui faisait passer les aviateurs en Espagne ne fonctionnait plus. N’ayant plus de porte de sortie, on a appris qu’un réseau les ramassait à Paris. On a posé la question à nos trois anglais. Ils ont répondu : « c’est une aventure, nous sommes prêt à la vivre jusqu’au bout ». Mon frère les a amené à Paris au lieu de rendez-vous. Mais nous ignorions que c’était un piège tendu par les Allemands. On n’a plus eu de leurs nouvelles.
Après la Libération nous avons écrit à la fiancée de Reid qui nous a dit qu’ils étaient prisonniers à Buchenwald. Ceux qui se trouvaient à l’arrière de l’avion ont été fait prisonniers tout de suite.
Article paru dans un journal anglais Par Reginald Butler – Newcastel-on-Tyne, mardi ….
L’officier navigant Topham, alors âgé de 28 ans, était le capitaine d’un Lancaster qui fut touché par des bombes tombées d’un autre avion Britannique volant au dessus de lui. Son Lancaster s’est crashé à l’intérieur des lignes ennemies.
Topham était accroché dans son siège, sa jambe gauche brisée, son genou écrasé. Son équipage, intact, le transporta dans un bois. A la nuit un homme alla chercher un résistant, qui revint avec un docteur qui fixa la jambe brisée. Le docteur plaça Topham à l’arrière de sa voiture en le recouvrant d’un tapis. Dans la petite ville de Beaumont-sur-Oise Topham fut confié aux soins de Mlle Lysandre, institutrice, et de sa nièce âgée de 15 ans.
Au second plan, de gauche à droite, encadrés par de jeunes filles, Jack Reid, Ralph Mac Clanaguan et Stuart Baxter, et au premier plan Louis Dallongeville et Lucien Gueudet (dit Lusco).
Photo réalisée par Jacques Meyer chez Dallongeville à Hédouville (au château Molle).
Entre le 3 et le 29 août il resta caché dans l’école, jusqu’à ce que les Allemands viennent occuper cette école. Topham incapable de marcher, fut transporté par l’épicier Duval et caché dans sa maison. Les Allemands fouillait de maisons en maisons. Duval creusa une tombe dans son jardin où Topham fut placé. Avec un tube dans sa bouche pour pouvoir respirer, il était protégé par des planches, sur lesquelles Duval étala 4 pieds de terre et ajouta des fleurs pour l’effet. Une demi-heure plus tard les Allemands étaient là !
Deux officiers SS et un soldat allemand qui fouillaient le secteur inspectèrent la tombe. Duval leur dit qu’un aviateur anglais avait été abattu et enterré là. Les officiers SS saluèrent la tombe et partirent. Mais ils postèrent deux sentinelles proche de la maison. D’autres troupes allemandes arrivèrent et Duval ne put sortir Topham.
Il s’écoula 36 heures avant que les Allemands se retirent du secteur. Alors, rapidement Duval dégagea Topham de sa tombe, mais après tout ce temps passé sans nourriture, ni eau et sans pouvoir bouger, il failli s’évanouir. La main de Duval se posa sur ses épaules : un SS venait vers la maison avec un fusil à la main.
Duval décida que Topham devait retourner dans la tombe, mais celui-ci dit « Non. Plutôt affronter l’Allemand que de revivre cette horreur ». Duval lui donna un pistolet chargé. Lorsque le SS pénétra dans la pièce, Topham l’abattit. D’autres allemands arrivèrent vers la maison, Duval assisté de Topham enterrèrent le SS dans la tombe.
Le même jour, le 31 août, Beaumont fut libéré par les américains. Topham fut rapatrié en Angleterre. Il passa 3 mois dans un hôpital pour se rétablir. Puis il alla en Birmanie comme volontaire. Son aventure rocambolesque, n’avait jamais été évoquée jusqu’à ce jour. Après la Birmanie, Topham reprit la tunique de policier dans les patrouilles de police motorisée de la ville de Newcastle.
Témoignage de Stuart Baxter :
« Je faisais parti du raid sur la France le 3 août 1944 quand l’avion fut touché par une bombe provenant d’un Halifax, situé au dessus de nous, et je me suis crashé près de Nerville. Deux membres de mon équipage et moi-même nous nous sommes cachés dans un bois toute la journée et la nuit suivante. Je suis allé dans le village de Nerville le lendemain matin pour chercher de l’aide pour mon pilote qui avait la cheville cassée. Je suis allé dans une maison et la personne m’a donné de la nourriture mais n’a pas voulu nous aider. Quelques voisins nous ont vus et ont contacté le mouvement local de Résistance. Je suis revenu au bois et plus tard deux filles sont arrivées et ont pris en charge le pilote et l’on emmené avec leur voiture. A la nuit on nous a donné des vêtements et conduit dans une maison de la Résistance dans le nord de la Seine-et-Oise. Nous y sommes resté une nuit.
Le 5 août 1944, nous sommes emmenés à Labbeville à la maison d’un garagiste (M. Meyer). Il faisait aussi parti de la Résistance et a obtenu pour nous des faux papiers. Il nous a nourri et hébergé pendant 3 jours. Le 8 août, le garagiste nous a conduit en voiture dans un village proche de Pontoise où nous avons été pris en charge par 3 guides. Nous avons été rejoint dans le village par notre « bomber aimer » (bombardier).
Nos guides étaient composés d’un français, de son épouse et une femme mariée avec un anglais. Nous sommes allés dans Paris sur le dessus d’une charrette de brasseur. La femme anglaise nous a laissé à Paris et nous avons été conduits dans l’appartement d’un français qui était un membre de l’organisation. Nous sommes restés la nuit dans l’appartement et au matin du 9 août 1944 un certain M. Jacques arriva à l’appartement et nous dit qu’il était anglais et membre des Services Secrets. Il nous a interrogé sur notre véritable identité et dit qu’il nous ferait passer en Espagne. Il nous dit qu’il enverrait sa secrétaire pour nous récupérer. A 15 h 00 une femme vint à l’appartement et nous emmena en voiture au quartier général de la Gestapo. Elle nous a laissé et elle est partie.
Nous furent envoyé à la prison de Fresnes. »
Document réalisé par René BOTTO