Association Les Amis de L'Isle Adam

Récits sur la guerre de 1870

à L'Isle-Adam-Parmain

Récits de participants aux actes de résistances ou de témoins oculaires

    Nous possédons un grand nombre de témoignages sur les événements qui se sont passés dans notre région entre le 16 et le 30 septembre 1870, à la fois par les participants à la résistance aux troupes prussiens : Alexandre Désiré Denise, futur maire de Parmain et historien, le pharmacien Émile Capron de Parmain, Louis Noël de Nesles-la-Vallée et M. Cailleux, chef des pompiers de Nesles-la-Vallée, mais aussi par des témoins oculaires dignes de fois comme l'abbé Grimot, curé de L'Isle-Adam, et son neveu l'abbé Henri Le Chenetier, le docteur Abbadie de L'Isle-Adam, Charles Bernay ancien maire de Valmondois, l'abbé Tallot, curé de Valmondois, Henry Viger, ancien officier du Premier Empire habitant l'île de la Cohue à L'Isle-Adam. On pourrait en citer encore d'autres, mais déjà il existe quelques divergences entre ceux qui considéraient qu'il fallait lutter contre l'envahisseur par tous les moyens et ceux qui considéraient que les civils ne pouvaient se substituer aux militaires et qu'en prenant les armes ils exposaient la population à de graves représailles, ce qui s'est effectivement passé.  

     Après la capitulation de Napoléon III  à Sedan, le 2 septembre 1870, la guerre se poursuit. Les prussiens envahissent le territoire et s'apprêtent à encercler Paris. Un gouvernement de défense nationale se constitue pour défendre la capitale. Le 14 septembre, le service du Génie de l'armée française fait sauter une des deux arches du pont en pierre reliant l'île de la Cohue à l'île du Prieuré. Ce pont subira le même sort lors des deux guerres suivantes ! Le 16 septembre, 650 prussiens arrivent à L'Isle-Adam et s'y installent, il s'agit de uhlans (lanciers) de la division du duc de Mecklembourg-Schwerin qui forment l'avant-garde de l'aile droite de l'armée de la Meuse, commandée par le prince royal de Saxe. 

                                                                                                                                                                                                                                  Napoléon III et Bismark

                                                                                                                                                                                                                                  après la défaite de Sedan

     A 11 heures du matin, trois uhlans, le cigare à la bouche, le pistolet au poing, traversent la rivière en barque et se présentent à la gare du chemin de fer à Parmain.  Ils enfoncent les portes, arrachent les appareils télégraphiques, les brisent et les jettent par terre. D'autres arrachent le drapeau français qui flotte sur la Mairie de L'Isle-Adam, détruisent les armes qu'ils ont récupérées auprès de la population. Les prussiens se retirent de la ville le 18 septembre. Quatre jours plus tard, le 22 septembre, 150 à 200 fantassins arrivent, investissent la ville, formulent des demandes de réquisition exorbitantes, pillent les maisons abandonnées ou pas. A la vue de cela un groupe de patriotes, un peu moins d'une trentaine, se réunit dans une carrière à Parmain, sous la conduite du pharmacien Émile Capron, et décide de résister les armes à la main à cet envahisseur.

     Le lendemain, 23 septembre, les éclaireurs signalent que du côté de Mériel et de Méry des prussiens viennent avec des chariots pour rançonner L'Isle-Adam et Parmain. Sans perdre de temps, vingt-cinq francs-tireurs, équipés de leur fusil de chasse  vont s'embusquer sur la rive droite de l'Oise, en face du château de Stors. Parmi eux se trouve Alexandre Désiré Denise, tireur d'élite, doté de sa carabine de précision. Les prussiens sont surpris par une fusillade aussi inattendue que bien nourrie. Ils se dispersent aussitôt, abandonnant chevaux, chariots et provisions, laissant sur le terrain des morts et blessés. La population de L'Isle-Adam et de Parmain presque toute entière, au bruit de la fusillade, prend les armes et se tient prête au combat. Les femmes se mettent de la partie, et le docteur Abbadie voit encore la laitière, Mme Kléber, parcourant la Grande Rue de L'Isle-Adam en criant : « Aux armes ! » De tous côtés arrivent les chevaux et les chariots pris à l'ennemi. Des hommes montent les chevaux ; d'autres, avec les femmes et les enfants, traînent à bras les chariots, qui devant, qui derrière, qui aux roues... et chacun est fier de son trophée.     

     Le 26 septembre les prussiens, qui venaient se venger de l'embuscade subit le 23, sont à nouveau pris sous une fusillade du côté de Stors par les francs-tireurs embusqués. En essayant de se sauver vers Presles, à hauteur de l'abbaye du Val,  ils sont pris sous le feu de 5 autres francs-tireurs. Louis Noël, entrepreneur de Nesles-la-Vallée, raconte que les francs-tireurs, dont il faisait parti, avaient reçu ce jour là le renfort de neuf militaires français du régiment du colonel Mocquart, échappés de Sedan, équipés de leur fusil Chassepot. Une arme beaucoup plus précise et plus efficace que les fusils de chasse, qui causera pas mal de dégâts dans les rangs des prussiens.     

Emile Noël, Franc-tireur

de Nesles-la-Vallée

     Le lendemain mardi 27, les prussiens fondent sur L’Isle-Adam et une lutte acharnée commence. Félix Thoureau, maire de L'Isle-Adam, l'abbé Grimot, curé de la paroisse, l'abbé Henri Le Chenetier et M. Maillard sont arrêtés, pris en otage et contraints de marcher vers la barricade, devant les prussiens. Leur sort précaire porte au comble l’émoi de la population. Pendant 5 heures leurs angoisses furent atroces, et on ne les remit en liberté qu'à la tombée de la nuit, à la fin du combat.


Abbé Grimot

  Le 28 septembre, Henry Viger et le docteur Abbadie décident de se rendre au quartier général prussien à Eaubonne pour obtenir que la ville de L'Isle-Adam ne soit pas détruite. Après une négociation serrée avec un général, ils obtiennent l'assurance que la ville sera épargnée. 

Le  29 septembre les prussiens attaquent en force la barricade sur le pont de L'Isle-Adam, pendant qu'une partie de leur troupe contourne les insurgés en passant l'Oise à Beaumont et à Mours. Les francs-tireurs voyant qu'ils allaient être pris à revers se retirent vers Nesles. Les Prussiens attendront le 30 au matin pour investir Parmain. C'est à ce moment que M. Desmortier, ancien juge d'instruction près le tribunal de la Seine, est pris les armes à la main, emmené à Persan et fusillé dans un champ de betteraves. Il était âgé de soixante et onze ans. On dit que ses derniers moment furent des plus dignes. Traduit devant un conseil de guerre, il répondit « J'ai servi mon pays, j'ai fait mon devoir, j'ai fait ce que tous les Français devraient faire ». Devant les soldats exécuteurs, il reste la tête haute et dit : « Je vais mourir pour la patrie... Je meurs content ! » 


     Du côté de Parmain, en face du pont détruit, près de l’endroit où s’élève aujourd’hui le Monument commémoratif, une barricade solidement construite barre entièrement la rue Conti. 

     Cette barricade couvre de ses tirs la place du Pâtis, la Grande Rue de L’Isle-Adam et la Petite Plaine, située entre le parc du château Dambry et la rivière.




Stèle commémorative

     de la guerre de 1870

     Près du château Ducamp, sur l'île du Prieuré, en plusieurs endroits on a garni les balustres de banquettes de terre et de pieux, avec creusement d'un fossé derrière. Ce sont de petites redoutes qui donnent aux francs-tireurs un abri sûr et qui commandent l’avenue des Écuries et la propriété Dambry .
L’ennemi a placé deux obusiers à mi-côte de l'avenue des Marronniers (aujourd'hui avenue de Paris). Quant aux tirailleurs prussiens, les uns sont embusqués dans le saut-de-loup et derrière les arbres du parc Dambry ; les autres occupent les maisons du Pâtis ; quelques uns sont postés dans la ruelle des Écuries, d’autres enfin un peu partout. Ce sera un véritable combat que vont soutenir héroïquement nos francs-tireurs. Pendant cinq heures on se bat, mais la victoire reste aux nôtres. Vers le soir, les prussiens renoncent à la lutte. Mais le plus dramatique est à venir. A peine la fusillade a-elle cessé qu’on entend dans L’Isle-Adam le cri : « Au feu ! Au feu ! ». Les prussiens furieux de se voir battus, comme ils l’avaient été la veille à Stors, se retirent, mais en se partageant une affreuse besogne. Tandis que les uns maltraitent et ligotent des habitants paisibles, les autres mettent le feu aux deux mairies (l'ancienne 20 rue St Lazare et la nouvelle dont la construction vient de s'achever), aux maisons Rey et Crépin et proclament : «Voilà pour aujourd’hui ; nous finirons demain ! ».

     Le vendredi 30 septembre, vers dix heures du matin, le docteur Abbadie était sur le seuil de sa porte. Il témoigne : « Je vois tout à coup une fumée épaisse sortir de toutes les fenêtres du pavillon Ducamp et de la maison Chapelle. Je cours vers le premier pont, et je vois, ou plutôt nous voyons, car d’autres personnes étaient accourues comme moi, des nuages gris surgir par-ci par-là de Parmain. Bientôt tous ces nuages se réunissent en un seul, immense et sombre, et dans le nuage se montrent les étincelles par milliers et les jets de flamme. L’incendie ne s’éteignit que dans le courant de la nuit. Cinquante-deux maisons furent brûlées, dont celle de l’éminent docteur Dupuy, qui contenait six mille volumes de choix, et, aussi le château de l’île Conti, quartier général des francs-tireurs. »     C'est ainsi que se terminent les événements de la guerre de 1870 à L'Isle-Adam. Les prussiens ont poursuivit leur route vers Paris.

Château de M. Ducamp

incendié le 30 septembre 1870

 

     Sur le tableau d'Octave Volant, ci-contre, on peut voir sur le pont de la Cohue, dont une arche est détruite, les otages des prussiens avec de gauche à droite : l'abbé Jean-Baptiste Grimot, MM.  Félix Thoureau (maire de L'Isle-Adam), Maillard et l'abbé Henri Le Chenetier, neveu de l'abbé Grimot.



     Nous terminerons ce récit sur la guerre de 1870 dans notre région par un hommage au général de brigade Mathias Horix de Valdan, chef d'État Major général à l'armée de Paris lors du siège de la Capitale par les prussiens en 1870. A Versailles il sera chargé de négocier la reddition de Paris. Se considérant comme déshonoré d'avoir été le témoin et l'acteur d'un pareil acte, il quitte le service actif de l'Armée et se retire en 1872 à L'Isle-Adam, rue de l'Écluse. Il y décède le 5 janvier 1883 et sera enterré au cimetière de la ville.



Mathias Horix de Valdan



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